lundi 31 mai 2010

Le paquet télécoms transposé en France

Moins de six mois après l’adoption définitive du «Paquet télécoms» par le Parlement européen et le Conseil, le législateur français se prépare à transposer les mesures législatives contenues dans les deux directives européennes. Le projet de transposition présenté par le gouvernement contient 35 dispositions législatives. Les modifications proposées affectent le code des postes et des communications électroniques, le code la consommation, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. «Les changements introduits ne modifient pas les principes généraux mais constituent plutôt des aménagements de la précédente révision ayant abouti aux directives de 2002», note le texte de la consultation publique ouverte par Bercy à l'attention des « parties intéressées ».

Les principales modifications apportées à la directive cadre portent notamment sur le pouvoir des autorités nationales de régulation, avec une réaffirmation de leur indépendance et un contrôle accru, une approche réformée de la gestion du spectre, et de nouvelles mesures en matière de sécurité et d’intégrité des réseaux. Par ailleurs, les obligations de transparence et d’accès sont renforcées et les délais pour changer d’opérateur tout en gardant le même numéro de téléphone (portabilité) singulièrement raccourcis.

Les sujets hautement sensibles, comme la neutralité du net, où les éventuelles «sanctions» sur la toile vis-à-vis d’internautes ne manquent pas. Une raison pour laquelle Bercy a ouvert une consultation publique. Les parties prenantes ont jusqu’au 1er juin inclus pour envoyer leur point de vue. Soit une semaine de plus que le délai initial. Dans le détail, l’Arcep étendrait son champ de compétence. L’autorité de régulation française «serait désormais compétente pour connaître non plus seulement des litiges entre opérateurs, mais aussi des litiges entre les opérateurs et les éditeurs de contenus (audiovisuels ou sur internet)», souligne Sylvain Justier, avocat au cabinet Magenta-Legal spécialisé dans le domaine des télécoms.

Dans ce contexte, le juriste estime nécessaire une «clarification», afin de «préciser l’articulation des compétences entre l’Arcep et le CSA». Mais le projet prévoit également de conférer à cette autorité un pouvoir d’astreinte en cas de non-respect par un opérateur des obligations applicables à son activité. «Il s’agirait d’une nouveauté puisque, précédemment, une sanction pécuniaire ne pouvait être imposée par l’autorité que dans le cadre de la décision intervenant en cas de non-respect d’une mise en demeure préalable», commente l’avocat. Par ailleurs, Sylvain Justier estime que les principes de neutralité technologique et de neutralité à l’égard des services, exigés par les textes européens, sont transposés «a minima».

Aussi le texte français n’énonce-t-il pas expressément ces principes, mais seulement les exceptions dans ces domaines. Le projet transpose également le cadre européen concernant la neutralité du Net. On y retrouve ainsi l’objectif d’accessibilité des utilisateurs finals aux contenus de leur choix, la possibilité de fixer des exigences minimales en matière de qualité de service, et la transparence vis-à-vis des utilisateurs, c’est-à-dire les mesures de gestion de trafic appliquées et les engagement de qualité de service, analyse l’avocat.

POSITIONS:

Pour le chargé de mission numérique à l’UFC-Que choisir, Edouard Barrero, la transposition française doit aller «plus loin» que le paquet télécom. «Il faut prendre le paquet comme un cadre qu’il faut remplir et préciser», estime-t-il. Il cite notamment la neutralité du Net et la transparence tarifaire sur lesquelles, selon lui, la législation européenne n'est pas suffisamment ambitieuse. L’UFC-Que Choisir n’a pas l’intention de répondre à la consultation de Bercy. «A première vue, le projet de transposition est encourageant», commente pour sa part Félix Tréguer, du collectif La Quadrature du Net. Il émet néanmoins un bémol important sur la question de la neutralité du Net, qui «fait l’objet d’une transposition littérale qui ne respecte pas l’esprit du législateur européen». En effet, le projet de texte dispose que l’Arcep «prend des mesures et veille à favoriser l’accès des utilisateurs finals à l’information et à préserver leur capacité à diffuser ainsi qu’à utiliser les applicatoins et les services de leur choix». «Il faudrait plutôt que l’Arcep veille à "garantir" l’accès», explique Félix Tréguer. Par ailleurs, il juge «plus gênante» la transposition des articles sur la transparence des fournisseurs d'accès Internet qui doivent annoncer les restrictions qu'ils peuvent prendre. «Car cela sous entend qu'ils puissent en prendre», dit-il. Tout en reconnaissant que «cela est prévu par la directive». L’eurodéputée (PS - S&D)

Catherine Trautmann, qui fut rapporteur du paquet télécoms, estime que «sur les apects techniques, l’ensemble y est». L’élue émet toutefois des réserves sur quatre points: Premièrement, elle constate que l’ancien amendement 138, qui souligne la nécessité d’une décision prélable d’une autorité judiciaire avant de suspendre l’accès à Internet, «ne figure pas» dans le projet de texte français. «Je pense que ce n’est pas vraiment un oubli», souligne l’eurodéputée. Un manque qui pourrait susciter la réprobation de la Commission européenne, estime Catherine Trautmann. Deuxièmement, le projet de transposition ne prévoit pas non plus d'étude pour mesurer les impacts sociaux de la séparation fonctionnelle des activités de gestion et de réseau. De plus, pour l’eurodéputée, «les grandes lignes qui concernent le cadre de recommandation exprimé à l’attention du régulateur ne sont pas reprises». L’eurodéputée évoque notamment l’article 8 de la directive cadre, qui fixe que les autorités veillent à ce que la concurrence entre les opérateurs ne soit pas faussée. Enfin, concernant la révision de la gestion des spectres prévue par les textes européens, la députée estime qu’«il y a un télescopage entre la transposition du paquet et la mise en œuvre des dispositions nationales sur le dividende numérique». Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique libère en effet d’importante zones du spectre radioélectrique qui doivent être redéployées.

Source : http://www.euractiv.fr/economie-finance/article/2010/05/31/france-transpose-paquet-telecoms_68289