vendredi 25 juin 2010

Vers une bulle des télécoms en Afrique ?

Après les périodes fastes des monopoles dans le secteur de la téléphonie fixe, puis celles de l’ouverture à la concurrence et de l’avènement de la téléphonie mobile et autres offres haut débit dans les pays développés, on assiste actuellement à une bulle des télécoms en Afrique avec des valorisations importantes des licences et des opérateurs (Polyconseil)

La situation dans les pays dits développés

Face à la concurrence et à l’affluence des offres Internet, notamment avec le succès des terminaux mobiles (clés 3G+, Smartphones, Ipad…), les opérateurs n’ont pas beaucoup de marges de manœuvre pour augmenter leurs ventes. La pression concurrentielle risque de peser de plus en plus sur les chiffres d’affaires et marges des opérateurs. D’autant plus qu’avec l’arrivée de ces terminaux et d’usages de plus en plus consommateurs en bande passante, les pays développés vont être confrontés à de lourds investissements pour pallier à cette demande croissante en haut débit (fixe et mobile) et à cette saturation des réseaux.

Pour faire face à l'explosion du trafic internet mobile, les opérateurs militent pour un changement de la répartition des financements des réseaux et souhaitent impliquer les distributeurs. Ils sont prêts à remettre en cause le principe de neutralité du net et des réseaux en restreignant par exemple les accès ou en proposant des abonnements à différentes vitesses.


L’Afrique, le nouvel Eldorado ?

L'Afrique, qui compte un milliard d'habitants mais seulement 90 millions d'internautes, soit un taux de pénétration de 9%, a connu ces 10 dernières années une explosion du marché des télécoms. Entre 2003 et 2008, la croissance du marché de la téléphonie mobile et de l’Internet a été deux fois plus importante que celle enregistrée au niveau mondial (certes, avec une réelle disparité en fonction des pays). Le secteur télécoms en Afrique est aujourd’hui surtout celui de la téléphonie mobile. En effet, l’Afrique demeure le continent où tout reste à faire en matière d'accès au haut débit. D’ailleurs, des initiatives sont déjà engagées en Afrique de l'Ouest, de l'Est et Australe pour développer l'accès à Internet et mieux raccorder l'Afrique au reste du monde (ACE, SEACOM, EASSY,…).






Les fusions /acquisitions en plein essor

Les télécommunications ont pris une importance significative dans l’économie de la plupart des pays africains. Ce secteur est une source de croissance économique et de développement. Avec l'abandon progressif des monopoles d'Etat et la privatisation du secteur des télécoms, les opérateurs privés se livrent à une surenchère et sont parvenus à créer une bulle financière. Un élément révélateur de cette bulle : le marché des fusions et acquisitions pour le secteur des télécommunications est en plein essor et attise de plus en plus les groupes Indiens et du Moyen Orient :

* Bharti Airtel a dépensé près de 8 milliards d'euros pour s'emparer des actifs africains du koweïtien Zain
* MTN et Orascom tentent un rapprochement tout comme Reliance et Etisalat ...

Note : avec 21 implantations africaines, France Télécom a réalisé 4,3 milliards de dollars de CA en 2009 et se dit prêt à accélérer le processus de fusion – acquisition en Afrique.

Toutefois, en plus des risques inhérents à la règlementation du pays et aux aspects socio-politiques, les risques financiers liés à ces investissements ne sont pas à négliger. En effet, malgré des profits élevés, les opérateurs n’échappent pas à la réalité du besoin en liquidité (nécessaire aux investissements). La première phase d’acquisition et de croissance en Afrique amorcée en 1995 s’est soldée par un endettement important des investisseurs. Compte tenu du coût des licences et des investissements nécessaires, les opérateurs télécoms ont eu besoin de nouveaux capitaux pour faire face aux dettes souscrites pour l’achat de la licence et des investissements réalisés.

Quelques exemples :

* Zain : Après avoir dépensé 3,4 milliards de dollars en 2005 en rachetant l’ensemble des filiales africaines du groupe Celtel, le groupe Zain souhaite revendre toutes ses filiales africaines pour réduire sa dette de 5,4 milliards de dollars et envisage de se désengager de ses filiales africaines.
* Burkina-Faso : Les licences de 3 opérateurs de téléphonie mobile - CELTEL, TELECEL et TELMOB - arrivaient à échéance fin mai 2010. Ces derniers ont dû s’acquitter d’une nouvelle redevance de plus de 40 millions d’euros (pour info : 4 millions d'abonnés à la téléphonie mobile au Burkina-Faso en 2010 pour environ 16 millions d'habitants)
* Gabon : Maroc Telecom qui détient depuis 2007 51% de Gabon Telecom, l’opérateur historique, est aujourd’hui confronté aux problèmes de mise à niveau du réseau data et mobile et doit par ailleurs effectuer un réaménagement de ses activités. L’opérateur a, à cet effet, lancé en 2009 une mesure drastique de restructuration de ses effectifs.

Conclusion

La nouvelle phase d’acquisition surfe sur cette vague de surévaluation des licences avec l’explosion de la data mobile et l’émergence de réseaux à Haut débit sans fil. Le besoin de financement à court terme ne remet nullement en cause l’attrait des grands groupes pour ce continent, certains proposant déjà d’autres modèles économiques pour diminuer ces investissements (ex. partages des actifs entre opérateurs). Enfin, compte tenu du faible taux de pénétration de l’Internet haut débit et le développement de nouveaux usages mobiles, il semblerait que la croissance des télécoms en Afrique ait encore de beaux jours.