jeudi 12 mars 2009

Les opérateurs télécoms historiques pourraient voir leur valorisation augmenter de 27% à l'horizon 2015

Plusieurs éléments en faveur du secteur dans cette belle étude de prospective

* Le succès du "Triple-Play" va permettre aux opérateurs de télécoms d’enrayer le déclin du nombre de lignes fixes, de maintenir leur revenu moyen par utilisateur et de préserver, par la consolidation du secteur, leur rentabilité.
* Un opérateur parvenant à réduire de moitié ses pertes de lignes sur 2008-2015 verrait sa valorisation augmenter de 27%. Certains opérateurs européens ont déjà prouvé que c’est possible.
* Les opérateurs fixes européens ont une opportunité de 4 Mrds€ de revenus à l’horizon 2015 dans les contenus et les services liés à la télévision du futur. Cette opportunité peut apporter un point additionnel de croissance annuelle moyenne au chiffre d’affaires fixe des opérateurs historiques sur 2008-2015.
* Le contexte économique actuel ouvre une fenêtre d’opportunité pour les opérateurs qui seront plus résilients que leurs coopetiteurs (équipementiers, acteurs internet). Ainsi, les atouts techniques et commerciaux des opérateurs télécoms joueront a plein dans un contexte de crise grâce a des partenariats ad hoc.


Avec l’essor du mobile, le chiffre d’affaires « lignes fixes » des opérateurs de télécoms semblait voué au déclin. La huitième étude annuelle commune de Arthur D. Little - Exane BNP Paribas sur les opérateurs de télécoms publiée ce jour révèle, qu’au contraire, le fixe va cesser de perdre du terrain, grâce aux offres « triple-play » qui permettent aux utilisateurs de bénéficier d'un accès Internet haut débit, du téléphone et de la télévision par Internet. Le « triple-play » donne la possibilité de résister aux nouvelles menaces telles la substitution des lignes fixes par le haut débit mobile et la concurrence des acteurs de la télévision payante (câble et satellite).

L’étude, réalisée dans 17 pays européens auprès de 83 entreprises, démontre que développer la télévision du futur constitue pour les opérateurs historiques la meilleure arme pour défendre leur activité « fixe ». En outre, le « triple-play » pousse à la consolidation du secteur, avec un effet bénéfique pour les opérateurs en terme de rentabilité.

Les opérateurs de télécoms ont désormais l’opportunité de tirer parti de leurs atouts techniques et commerciaux, à condition qu’ils choisissent les bons alliés, qu’ils s’engagent dans une politique mesurée de distribution de contenu et qu’ils se rapprochent des modes de consommation de l’Internet.

« Les opérateurs de télécoms peuvent devenir les leaders du développement de la télévision de demain » estime Jean-Luc Cyrot, co-auteur du rapport « mais ils ne devront pas se reposer sur leurs seuls atouts historiques. Une stratégie industrielle de la box associée à une offre de services et contenus innovante sera nécessaire pour aborder cette nouvelle ère de leur développement ».

La réussite et les promesses du "triple-play"

En Europe, malgré la forte croissance du haut débit sur le fixe, les revenus issus des lignes fixes des opérateurs ont décliné en moyenne de 2 à 3% par an en raison de la diminution du nombre de lignes fixes : -5,7% par an depuis 2005, du fait de deux facteurs : 1) la substitution de la téléphonie fixe par la téléphonie mobile, par 20% des ménages en moyenne en Europe, et 2) les pertes de part de marché des opérateurs historiques au profit des concurrents utilisant le dégroupage et des câblo-opérateurs.

L’arrivée du « triple-play » change la donne. De plus en plus, les utilisateurs tiennent à conserver leur ligne fixe pour le haut débit ce qui, dans des pays comme le Portugal, la Suède et l’Autriche, a enrayé le déclin des lignes fixes.

Le développement du « triple-play » a également conduit à une consolidation du secteur, notamment en France : acquisitions de Cegetel, AOL et Club Internet par Neuf Telecom racheté par SFR, de Tele2 par SFR, et de Alice par Iliad. Ceci s’est traduit par un redressement du revenu moyen par utilisateur (ARPU), une stabilisation des parts de marché des opérateurs et, in fine, une amélioration de leur rentabilité.

« La diminution du nombre de lignes fixes devrait ralentir ces prochaines années ce qui rend très optimiste sur la valorisation boursière du secteur. Par exemple, un opérateur historique, qui diviserait par deux le rythme de ses pertes de lignes fixes sur 2008-2015, verrait sa valorisation augmenter de 27% » souligne Antoine Pradayrol, analyste financier en charge de l’équipe Opérateurs télécoms chez Exane BNP Paribas.

Le pari du contenu : TV payante et "light premium"

A l’horizon 2015, le chiffre d’affaires réalisé par les opérateurs historiques en Europe dans la télévision payante, la vidéo à la demande (VOD) et la publicité pourrait représenter près de 4 Mds€ soit 7% de leurs revenus actuels (2,7€ mensuel par ligne fixe). Cette évolution permettrait aux opérateurs d’améliorer leur chiffre d’affaires « lignes fixes » de 1% en moyenne par an sur la période 2008-2015 ce qui compenserait en partie la baisse de 2% à 3% par an observée actuellement.

La télévision payante représenterait environ les deux tiers de cette opportunité de croissance, les opérateurs historiques pouvant espérer capter de 10 à 30% des abonnés à la télévision payante selon les pays. En revanche, les marchés encombrés de la VOD et de la publicité, bien qu’en forte expansion, ne représenteraient pour les opérateurs qu’une part plus faible de ce triptyque gagnant.

Investir dans des contenus exclusifs ou « high premium » (offre quasi exhaustive en contenu de première catégorie tel que cinéma et football) serait, selon l’étude Arthur D. Little - Exane BNP Paribas, une stratégie très risquée car la base de clients des opérateurs ne permettra pas d’amortir les coûts très élevés de ces contenus. Les auteurs de l’étude concluent aussi qu’une stratégie visant à coupler contenus « high premium » et accès haut débit pour mieux rentabiliser les contenus a peu d’avenir, notamment au vu de la réglementation restreignant l’exclusivité des contenus comme au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

La solution gagnante serait une stratégie visant à packager du contenu de valeur dit « light premium » (sélection exclusive de contenu à un coût de 15-25% de l’investissement moyen d’une stratégie ‘high-premium’) et à développer des services interactifs autour de ces contenus. Cette stratégie moins capitalistique serait à la fois différenciatrice pour les opérateurs et génératrice d’ARPU.

Comment les opérateurs peuvent-ils tirer leur épingle du jeu ?

Concurrencés par les acteurs de l’Internet et les équipementiers sur leurs points forts traditionnels (qualité de service, infrastructures de serveurs, richesse de contenus sur tous les supports), « les opérateurs de télécoms doivent nouer des alliances pour développer des services innovants autour du contenu à l’instar de ce que font aux Etats-Unis des câblo-opérateurs comme Comcast ou des acteurs du satellite comme DishTV » précise Franck Herbaux, Directeur Média, Arthur D. Little Paris.

Au travers de partenariats avec les différents acteurs de l’écosystème télécoms-médiatechnologie, les opérateurs ont tous les atouts pour prendre en main le développement de la TV du futur. Sous réserve cependant qu’ils mettent en oeuvre des services faciles d’emploi, innovants et attractifs comme la « catch-up TV » (un système qui permet de revoir des émissions à la demande) ou encore le guide de programme interactif. Il leur faudra également améliorer l’ergonomie et le catalogue de leurs services vidéos, et déployer des plates-formes et des forces de vente pour proposer une publicité ciblée et locale.

Ces alliances peuvent se nouer avec des leaders de l’Internet, des éditeurs de logiciels et des équipementiers comme les fabricants de téléviseurs et de consoles de jeux qui apportent leurs compétences en développement et en ergonomie. Une telle démarche proactive permettra aux opérateurs d’écarter la menace de banalisation de leurs services d’accès.

Moins affectés que les autres secteurs par la crise économique, grâce à leurs revenus récurrents et à leur marge de manoeuvre en termes de coûts et d’investissements, les opérateurs de télécoms présentent pour ces « partenaires experts » des avantages indiscutables : ils apportent l’accès au réseau, la maîtrise de leur box et surtout leur relation de proximité avec l ‘utilisateur issue du service client et de la facturation.

« Paradoxalement, la crise que nous connaissons actuellement offre aux opérateurs le temps de s’organiser car elle ralentira les plans de développement des leaders de l’Internet tout comme ceux des équipementiers » annonce Didier Lévy, Directeur Télécom, Arthur D. Little Paris.

Des disparités locales

L’étude 2009 de Arthur D. Little – Exane BNP Paribas note que les dépenses par foyer en Europe ne sont actuellement que de 50€ par mois dans le « triple-play » (30€ seulement en France), contre 70€ par mois aux Etats-Unis. Dans des pays comme le Portugal ou les Pays- Bas, on devrait assister à une croissance des revenus des lignes fixes pour les opérateurs historiques. « En revanche, la situation est plus difficile en Allemagne et au Royaume-Uni, où les opérateurs de télécoms sont menacés par des câblo-opérateurs ou des opérateurs de diffusion par satellite comme le britannique BSkyB » conclut Antoine Pradayrol.

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